Frédéric Berthet (4)

Un peu de lecture :

Une nuit, Daimler se met à rouler sur l'autoroute de l'ouest. Il est quatre heures du matin lorsqu'il arrive dans la maison déserte. Il sort des armoires une couverture de laine et une boîte de café moulu. Puis il va dans la bibliothèque et cherche un livre à lire, pour attendre le jour. Un ancien volume de la Série Noire, aux pages humides et poussiéreuses, intitulé À nos amours !, d'un certain P.J. Wolfson (traduit en 1951 par Marcel Duhamel), lui paraît approprié. À sept heures, aux premières lueurs de l'aube, il décroche une petite carabine du râtelier des armes, et sort dans le jardin. Il pose le livre jaune et noir sur le gravier, au centre de l'allée, recule de quelques pas, et tire. Lorsqu'il va voir ce que ça a donné, il s'aperçoit que les plombs sont allés jusqu'à la page 82.

C'est la page 16 de Daimler s'en va, un de nos livres de chevet, un de ceux qu'on aimerait emporter (avec quelques autres) sur une île déserte - si tant est qu'il reste quelque part une île déserte. Norbert Cassegrain, qui se consacre avec ardeur à faire perdurer l'oeuvre et la mémoire de Frédéric Berthet, nous a gentiment fait parvenir les deux clichés qui précèdent notre extrait, pris par ses soins à Chambon-sur-Voueize, dans la Creuse, où FB avait acquis une maison de campagne dans les années 90. Le lecteur fera lui-même les rapprochements qui s'imposent. Il notera aussi les quelques documents qui environnent le volume plombé de la Série Noire.