Catherine Jourdan




On vient de terminer La Petite Française d'Éric Neuhoff, irritant et plaisant au possible. À la page 116, le narrateur songe à la possibilité de proposer au journal pour lequel il travaille une série intitulée Que sont-elles devenues ? Et de suggérer quelques noms de sa liste : Jacqueline Sassard, Noémie Dubac, Joanna Shimkus, Samantha Eggar. La deuxième est à l'évidence une private joke, ou une coquille, puisqu'il n'existe aucune actrice (et aucun personnage) de ce nom. Jacqueline Sassard et Samantha Eggar ont déjà une certaine notoriété. On ne connaissait pas Joanna Shimkus, à laquelle on s'intéressera une autre fois

Mais l'idée de Neuhoff (du moins de son personnage) nous a fait penser à l'actrice principale du L'Eden et après, d'Alain Robbe-Grillet, Catherine Jourdan. Elle aurait tout à fait eu sa place dans cette liste. On ne sait pas grand-chose d'elle, si ce n'est qu'elle est née en 1948 à Azay-le-Rideau et que sa filmographie cinématographique est pour le moins hétéroclite, de qualité très inégale, et au final assez symptomatique d'une certaine époque. Si l'on retrouve une constante, ce sont des histoires un peu tordues et des scènes un peu dénudées pour notre actrice. Et, souvent, des réalisateurs franc-tireurs. Plutôt que de s'avachir devant la télévision, à se délecter d'une ces imbécilités dont nous nous repaissons avec complaisance, on s'est amusé le temps d'une soirée à examiner la carrière de Mlle Jourdan. L'exercice vaut ce qu'il vaut, mais il donne envie d'aller s'intéresser à quelques-uns de ses films...

Tout commence avec Le Samouraï de Melville, en 1967.
1968 : L'année suivante, c'est l'adaptation de La Motocyclette de Mandiargues, avec Alain Delon, encore, et Marianne Faithfull. Catherine Jourdan joue aussi dans Vivre la nuit, de Marcel Camus, fiction sur la vie nocturne parisienne où l'on retrouve Jacques Perrin, Georges Géret, Estella Blain, Serge Gainsbourg, Kriss ou encore Hervé Vilard. Intrigant, même si on flaire le nanard.
1969 : Apparition dans un film à sketches italien, Évangile 70, et dans Un merveilleux parfum d'oseille (qui dégage plutôt un parfum de navet), signé Rinaldo Bassi, avec notamment Francis Blanche.
1970 : L'Eden et après, d'Alain Robbe-Grillet, que l'on peut voir un peu plus bas.
1971 : N. a pris les dés, du même réalisateur, qui en fait un remix aléatoire, et donc encore moins compréhensible, du précédent.
1972 : Le Petit matin, de Jean-Gabriel Albicocco, dont l'action se situe pendant la Seconde Guerre mondiale. Le film, qui eut sa petite heure de gloire, est désormais classé dans la catégorie des semi-nanards. La meme année, c'est Les Rendez-vous en Forêt, d'Alain Fleischer (qu'on connaît désormais plus comme écrivain que comme cinéaste) : une histoire erotico-féérique avec pour décor une forêt...
1973 : Le Mariage à la mode, de Michel Mardore (décédé en 2009), qui est l'adaptation de son roman, l'histoire d'un journaliste de province trompé par sa femme qui devient complice sexuelle d'une homosexuelle. Rien que ça.
1974 : Les Quatre charlots mousquetaires d'André Hunebelle, que tout cinéphile se doit d'avoir vu.
1976 : Blondy, de Sergio Gobbi, avec Rod Taylor et Bibi Andersson, un prétendu thriller visiblement très poussif.
1979 : Zoo Zéro, d'Alain Fleischer, avec Klaus Kinski, PIerre Clémenti, Lisette Malidor, Lisette Malidor, Piéral, Rufus et Alida Valli. Dans ce film très esthétisant (la photo est de Bruno Nuytten), Catherine Jourdan jouer le rôle d'une chanteuse de cabaret qui se rend après son spectacle dans un zoo (à moins que ce ne soit le contraire...) D'après ce que l'on a cru comprendre, il plane sur ce long-métrage considéré comme le meilleur de Fleischer un parfum de zoophilie et d'inceste.
1981 : Pourvoir, de Patrice Énard, dont on ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'il s'agit d'un film très expérimental, avec un casting uniquement féminin. Impossible à voir, à ce qu'il semblerait, Énard ayant été tenu à l'écart des circuits traditionnels.
1982 : Aphrodite, de Robert Fuest, avec Valérie Kaprisky, film érotico-soft multi-rediffusé en deuxième partie de programme sur certaines chaînes et qui laisse une impression tenace d'ennui. Aucun rapport avec le roman de Pierre Louÿs, même s'il se passe en Grèce (mais en 1914).
1984 : L'Araignée de satin, de Jacques Baratier, sur un scénario de Catherine Breillat, avec Ingrid Caven, Daniel Mesguish et Roland Topor. C'est l'adaptation de la fameuse pièce du Grand-Guignol Les Détraqués, sur laquel André Breton s'étend largement dans Nadja. Un sombre histoire sado-masochiste dans un collège pour jeunes filles. On ne l'a pas vu, mais on va sans doute remédier à cette lacune. La meme année, Catherine Jourdan joue avec Richard Bohringer dans Le diable et la dame, ou l'itinéraire de la haine, d'Ariel Zúñiga, un réalisateur mexicain. L'histoire des aventures fantasmées d'une Française à Mexico.
1989 : La nuit des toiles, d'Alain Fleischer encore. C'est un court-métrage, et le dernier film à ce jour de Catherine Jourdan.




Commentaires

  1. Cher ami, il manque la fin du paragraphe "1981". Sinon, bravo pour cette synthèse qui donne envie de voir organiser un festival Catherine Jourdan. Notons, toujours selon le principe d'une sorte de système hypertextuel des actrices oubliées, que dans Zoo Zéro (qui semble valoir qu'on s'y intéresse de plus près) que Catherine Jourdan côtoie la classieuse Alida Valli dont la biographie ne manque pas, non plus, d'intérêt, bien que plus fournie et prestigieuse (Le Troisième homme, en 1949, notamment).

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  2. 1981... oui, c'est curieux. Enfin, ça fait plaisir de voir que vous êtes allée jusque-là - d'autant que le film de 1984 vaut aussi qu'on s'y intéresse, je crois...

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  3. Je m'aperçois que je n'ai vu aucun de ces films, hormis le Samouraï - et les Charlots mousquetaires, évidemment.
    Très bonne idée de rubrique. Il faudra continuer.

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  4. Je me suis procuré La Motocylette. Visionné les premières minutes. Ça commence très psché-SM. Avec une ambiance de petit bourg français (Normandie ?) noyé dans l'humidité et le semi-obscur. Je regarderai ça ASAP. Et on voit Marianne Faithfull peu habillée.

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  5. Vous vous êtes procuré la chose de façon hadopienne, si ça n'est pas indiscret ?

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  6. Un ami m'a autorisé à le copier.

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  7. J'ai visionné The Motorcycle Girl en VANST. Marianne Faithfull fait l'amour avec sa moto, nue sous sa combinaison de cuir (une scène de masturbation sur motocyclette qui laisse pantelant, mais qui peut aussi être perçue comme grotesque). Un film curieux, à l'atmosphère psyché-SM baroque. Dont l'action se déroule, en anglais, entre la Suisse et Heidelberg. Un pays qui n'existe pas. Très poetic. Un certains nombre de scènes avec images violemment solarisées. Du flashback qui te forwarde dans le décor. Tellement focalisé sur Marianne...que j'ai pas vu passer Catherine. Ce film de 1968 bascule, avec le temps, du côté de l'art et essai. Delon est beau. Le salaud.

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  8. À l'occasion, il faudra me montrer ça...

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  9. catherine si belle adorable gamine amour de ma vie n est pas nee en 1948

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  10. Catherine Jourdan c’est éteinte hier 19 février 2011 suite à une longue et douloureuse maladie.
    Aujourd’hui le 7ème art est en deuil, le mouvement d’avant-garde des années 1970 aussi.
    Cathy (pour ses proches) laisse derrière elle une très belle page de l’histoire du cinéma, de l’érotisme, bousculant les meurs de son époque, elle fût aussi l'actrice et le modèle photographique des œuvres d’Alain Fleischer, après plusieurs années de recul dans son petit nid Parisien, Cathy nous venais d’achever son premier et unique livre qui j’en suis sur nous surprendra encore demain.
    Catherine Jourdan sera incinérée ce jeudi 24 février 2011 au cimetière du père Lachaise.

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  11. Bonjour, dans la pré&sentation, vous indiquez "Mais l'idée de Neuhoff (du moins de son personnage) nous a fait penser à l'actrice principale du Jeu avec le feu, d'Alain Robbe-Grillet, Catherine Jourdan", vous corrigez après dans la filmographie. Le jeu avec le feu ne comporte pas dans sa distribution féminine Catherine Jourdan, mais Anicée Alvina, Sylvia Kristel et quelques autres, mais pas Catherine qui est donc l'actrice principale du film du même réalisateur Aain Robbe Grillet.
    Cordialement. Odile

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  12. @ Odile : oui, merci, je change ! Il faudra un jour que je parle d'Anicée Alvina, d'ailleurs...

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  13. Galaxie de la Ronce15 février 2012 à 13:00

    coucou !

    Superbe post, ça me donne envie de creuser un peu plus votre blog , c'est riche !

    si vous avez des liens de films, je suis prenante ! merci bien

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  14. Merci, GdlR... Pour les films, je ne sais pas, non, désolé.

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  15. Je viens de la découvrir dans L'Eden et après. Sa silhouette juvénile et son teint de rose y font merveille et la situent hors du temps. La sagacité des réalisateurs a été défaillante : elle aurait pu être l'égale de Jane Fonda ou de Cécile de France ! Mais le souhaitait-elle ?
    R.I.P. Catherine.

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