Jean de la Hire - Au-delà des ténèbres





commentaire : notre entourage s'afflige régulièrement de l'hétéroclisme de nos lectures, surtout lorsqu'on s'égare entre les pages au papier jauni, souvent sale et friable, de publications du second rayon - pour ne pas dire du troisième voire du quatrième. On s'est attiré ainsi toutes sortes de remarques avec cet Au-delà des ténèbres, acheté pour rien sur une brocante auvergnate. Difficile de résister à une couverture pareille.
En se renseignant, on a découvert que Jean de la Hire, de son vrai nom Adolphe d'Espie (1878-1956), est l'auteur d'une oeuvre considérable en volume (environ trois cents). Sous divers pseudonymes, il s'est essayé à à peu près tous les genres romanesques populaires - policier, sentimental, historique, roman de guerre, de jeunesse et de science fiction... On est très intrigué par la série d'une trentaine d'ouvrages que de La Hire à consacré à Léo Saint-Clair, dit le Nyctalope, un "personnage qui reçoit un cœur artificiel et devient un héros vengeur dotés de super-pouvoirs et capable de voir la nuit" (c'est du Wikipédia dans le texte). Notre auteur a fortement dérapé pendant la Seconde Guerre mondiale, publiant en tant qu'auteur et éditeur des textes peu ragoûtants. Après guerre, il vivra dans la clandestinité jusqu'en 1951, date à laquelle il finit par se rendre aux autorités. Bien que frappé d'indignité nationale, il réussira à poursuivre (sans trop de succès semble-t-il) une carrière littéraire, notamment sous pseudonyme.
Notre édition étant celle de 1954, on a cru qu'Au-delà des ténèbres avait été écrit à l'époque, par un Jean de la Hire âgé de 76 ans et en fin de carrière. Un lecteur attentif (voir commentaires) nous a permis de corriger l'erreur. Le roman date de 1916. Sachant cela, on aurait été moins sévère (style d'une ringardise achevée, histoire abracadabrante plombée par des intrigues sentimentales cuculs et descriptions du monde futur sombrant souvent dans le risible)... Ce roman de science fiction entraîne le lecteur jusqu'en 3254 - mieux que le Napus de Léon Daudet, qui se passe en 2227. L'histoire est celle d'un savant (fou, forcément) qui parvient à convaincre 500 personnes de se faire dessécher dans des espèces de cloches sous vide pour se réveiller (peut-être) 1 300 ans plus tard. Si cette première partie du programme fonctionne, la suite, on s'en doute, va se révéler plus délicate, puisque le monde du futur est univers totalitaire (forcément là encore) qui ne voit pas d'un bon oeil ces voyageurs du temps.

On ne résiste pas au plaisir de livrer le dernier paragraphe du livre :

Et les hommes de la terre continuèrent de naître, de vivre, de s'aimer, de se haïr, de travailler, de rêver, de lutter, de se tuer et de mourir ; et ils ne cesseront de faire cela que quand la terre elle-même retournera aux atomes tourbillonnants des origines, tant il est vrai que tout ce qui commence finit et que tout ce qui finit recommence pour finir et recommencer éternellement.


Commentaires

  1. Un billet de facture remarquable. Merci l'éditeur.

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  2. Et pour en savoir plus sur Jean de la Hire, et Marie, sa femme, sur l'Alamblog :

    http://www.lekti-ecriture.com/blogs/alamblog/index.php/?q=jean+de+la+hire

    Et puis aussi Livrenblog :

    http://livrenblog.blogspot.com/search?q=la+hire

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  3. Merci, cher Préfet. Deux sites précieux que nous visitons régulièrement.

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  4. Bonsoir,

    Je me permets d'apporter un correctif aux propos tenus plus haut.
    Au-delà des ténèbres ne date pas du tout de 1954 mais de 1916... Le roman a été publié en feuilleton dans Le Matin du 18/08/1916 au 18/12/1916.
    De quoi relativiser le sens et la portée à accorder à ce roman qui, bien qu'il soit écrit dans le plus pur style des feuilletonistes de la fin du XIXème et du début du XXème, est une oeuvre d'anticipation tout à fait novatrice pour l'époque.

    Cordialement.

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