La Prière sur l'enfant mort - Jane Catulle-Mendès





Jane Catulle-Mendès (Jeanne Mette (ou Nette), de son nom de jeune fille) fut l'épouse de Catulle Mendès, auteur fameux et très moqué en son temps ("l'immonde Mendès : une cervelle de couille", disait le pourtant bien élevé Henri de Régnier), et aujourd'hui oublié - sauf pour un premier mariage avec Judith Gautier, de rares textes (dont des récits érotiques) et quelques-uns de ses amis, comme Mallarmé). Le mariage Mendès fut célébré en 1897, année également marquée par la naissance d'un fils, Primice : c'est lui l'enfant mort, tué sur le front en 1917 à l'âge de vingt ans. Catulle-Mendès, quant à lui, était décédé huit ans plus tôt, écrasé par un train à Saint-Germain-en-Laye dans un accident à son image : un peu ridicule. On vit par la suite sa veuve tourner autour d'Anatole France, de Pierre Loti et de Gabriele D'Annunzio. Elle mourut en 1955, laissant derrière elle une petite oeuvre littéraire encore plus oubliable que celle de son mari.


S'il n'y avait cette Prière sur l'enfant mort


On avait découvert l'existence de ce texte à travers une citation proposée en ouverture de La Mort toute d'Alain Coulange, sombre et exigeant récit ponctué de croix paru en 1982 chez Flammarion, dans la collection Textes. Sans qu'on sache trop pourquoi, la citation, toute simple - "Les pauvres petits Morts n'ont que la mort" - avait singulièrement retenti en nous. Et le livre faisait partie de notre wish list littéraire, suite immatérielle d'ouvrages réputés introuvables ou plus prosaïquement hors de prix sur lesquels on fait, pour des raisons diverses, une espèce de fixette... jusqu'au jour où, enfin, on tombe dessus - avec le risque, évidemment, de connaître la déception.


Avec le livre de Jane Catulle-Mendès (trouvé pour une poignée d'euros, avec une dédicace de l'auteure), pas de déception. 


Publié (probablement à compte d'auteur) en 1921, soit quatre ans après la mort du jeune Primice, le texte est une espèce de journal qui court de 1917 à 1919 et s'ouvre avec l'annonce de la mort du jeune soldat. Passé les premiers moments de stupeur, puis d'abattement, la mère n'a bientôt plus qu'une idée : aller s'assurer que son fils, enterré en hâte dans un cimetière, près de l'endroit où il fut tué, aura une sépulture correcte. Elle va se heurter à d'innombrables difficultés, liées aux combats et à toutes sortes de tracasseries militaro-administratives. Il y a un vrai souffle dans le récit de cette femme plongée dans la terrible réalité de la guerre, alors que rien ne l'y avait préparée. Avec ici et là, des pages saisissantes, étonnamment modernes, où la narration éclate, où la parole se fragmente en en une succession de courts paragraphes d'une ou deux phrases : langue dénudée, essentielle, entre prière et poésie pure, celle du deuil.


Cette ombre où je plonge mes mains et mon âme, qui m'attire, qui m'absorbe, que je veux sur moi plus encore... Cette ombre où tu es...








Commentaires

  1. Catulle,oubliable,certes,a son éthernité de papier dans Faustroll,avec "Gog" le bien nommé et qu'il a incarné malgré lui l'esprit pataphysique,tout ridicule bu.

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