André Gide et le yoyo (ou yo-yo)



commentaire : en travaillant sur un projet, on est tombé sur cet extrait de Leçons Particulières de Françoise Giroud, où elle raconte sa première rencontre avec André Gide (grâce au neveu de celui-ci, Dominique Drouin), qu'elle aidera pour son courrier. Elle avait un peu moins de seize ans, à l'époque (les années 1931-1932), et le yoyo était devenu très à la mode, un véritable phénomène de société. 

À l'heure dite, j'arrive rue Vaneau. Il y a deux portes sur le palier qui commandent le même appartement. L'une est ouverte, je la pousse, et entre dans une grande pièce claire, style chambre de jeune homme. Du plafond, très haut, pend un trapèze. Au milieu de la pièce, debout, un homme au crâne lisse fait des gestes désordonnés devant un Asiatique qui lui donne des ordres secs. L'homme chauve, c'est Gide. Il prend sa leçon de yoyo. Dominique Drouin les regarde.
— Approchez, approchez, mademoiselle, dit Gide. Vous connaissez ce jeu ?
Étranglée d'émotion, je dis oui.
— Montrez-moi ce que vous savez faire...
Il me tend son yoyo. Je fais ce que tous les jeunes gens du moment savent faire, et dont Gide est visiblement incapable : le yoyo monte et descend. Gide est ravi. Il me félicite. Il renvoie l'Asiatique. Il dit que je vais lui servir de professeur.

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Il y a eu le jour où Gide m’a téléphoné en me disant d’accourir : « J’ai là un professeur de yoyo absolument merveilleux, il faut que vous veniez le voir. » Je suis arrivé et j’ai trouvé un superbe jeune Philippin en train de jongler d’une manière ravissante. Quant à Gide, il s’envoyait le yoyo dans l’œil ou sur les pieds mais il était enchanté et parlait déjà d’écrire un traité sur le yoyo.

Louis Martin-Chauffier dans une article du Figaro, en 1975

Et encore :

J'ai oublié de dire que depuis son retour, il a toujours un yo-yo dans sa poche et se met à en jouer à chaque instant. Il trouve ce jouet nouveau, brusquement à la mode, exquis de simplicité, d'ingéniosité, il en a déjà distribué beaucoup et rêve d'initier Elisabeth et Pierre.

Maria Van Rysselberghe dans ses Cahiers de la Petite Dame

Et enfin :

Gide était fort habile au yo-yo: c'était le jeu à la mode et même il faisait fureur. Les gens se promenaient dans la rue, un yo-yo à la main. Sartre s'y exerçait du matin au soir avec un sombre acharnement.

Simone de Beauvoir dans La force de l'âge

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