Smoking People - Mylène Demongeot (2)



commentaire : une photo de 1961, prise sur le tournage du Cavalier noir (The Singer Not The Song), improbable western anglais réalisé par Roy Ward Baker, avec John Mills et Dirk Bogarde. On reproduit - trouvés sur la fiche Wikipédia de cette bizarrerie - un extrait des souvenirs de Mylène Demongeot (Tiroirs secrets), ainsi qu'une réjouissante notice de Guillaume Loison publiée dans L'Obs en 2016, à l'occasion de la sortir du DVD. Tout cela donne plutôt envie d'aller jeter un oeil à cette curiosité…

Mylène Demongeot :
« Nouveau film anglais, avec le metteur en scène Roy Ward Baker (qui a dirigé Marilyn Monroe dans Troublez-moi ce soir). Ma carrière est au zénith en Angleterre à ce moment-là…
Le film, — The Singer Not the SongLe Cavalier noir en français, est censé se passer au Mexique. On tournera les intérieurs en studio à Pinewood, mais les trois quarts du film se feront en extérieurs, dans le sud de l’Espagne, aux environs de Torremolinos, près de Malaga. Je suis très contente. Le script est original et un peu scabreux pour l’époque : deux personnes, Dirk Bogarde, qui joue le bandit (quelle joie de le retrouver), et moi, une jeune fille assez enfantine, sommes amoureux du prêtre, le très beau Charlton Heston. Les situations sont souvent ambiguës et un peu glauques. Cela devrait donner, finalement, un film intéressant…
Je pars à Londres pour préparer et essayer les costumes et là, très mauvaise surprise, je dirais même catastrophe, j’apprends que Charlton Heston a été choqué par l’homosexualité du sujet et s’est retiré du projet à trois semaines du début du tournage. À la place, on nous donne un charmant petit homme, le comédien John Mills. Autour de la cinquantaine probablement, petit, le cheveu rare, un joli sourire… Un grand acteur très réputé, mais sur le plan du charisme sexuel… Bonjour !
Je suis horriblement déçue. Dirk aussi. Cela va enlever beaucoup de crédibilité à l’histoire… Comment peut-on abîmer à ce point un sujet en ne respectant pas l’histoire que l’on veut raconter au public ? (Aujourd’hui, j’aurais tendance à penser que les producteurs du film et le metteur en scène l’ont fait exprès pour que le film puisse passer la censure de l’époque… avec John Mills, il n’y avait pas de problème à craindre, aucun risque d’être interdit ! […]
Retour à Londres pour les scènes d’intérieur. […] J’ai hâte que le film soit fini. Je suis déçue et j’ai trop de mal à paraître amoureuse de John Mills. Je fais de mon mieux, mais je crois que je suis plus sensible au personnage de bandit que joue Dirk Bogarde.
Le film, à l’arrivée, n’est évidemment pas du tout ce qu’il aurait dû être. Je me souviens de la grande première au Leicester Square, dans cette même salle où j’avais assisté au « désastre » de la Rivière Kwaï… ça se vaut comme soirée, sauf que notre film sera loin de connaître la même carrière. Pour nous, ce sera un bide. Tout le monde est déçu… on ne croit pas du tout à l’histoire d’amour triangulaire et c’est bien dommage.
Le sujet était fort hardi pour l’époque, d’ailleurs c’est un de mes films préférés, très apprécié par Les Cahiers du Cinéma, notre bible intellectuelle en ces années-là. »

Guillaume Loison dans L'Obs :
« Western psychologique et oscarisable que la censure de l'époque a rangé au rayon de pépite bis retorse et jouissive à souhait. […] L'histoire de ce triangle amoureux liant un curé à poigne (John Mills, sosie buriné de Denis Brogniart), une riche nymphette (Mylène Demongeot, ruisselante d'érotisme) et un desperado méphistophélique (Dirk Bogarde, moulé dans un falzar en cuir très Village People) peut se voir comme un mix avant la lettre de L'Exorciste de William Friedkin et de Théorème de Pasolini. Le film fait sienne la perversité suave du personnage de Bogarde, merveille de tyran implacable et malicieux qui travestit ses crimes en accidents malencontreux et profère ses menaces dans une flopée de punchlines spirituelles. La violence est toujours hors-champ, les mots corrompent les âmes et la bienséance bourgeoise, pendant que des barrières morales (enfant assassiné, foi chrétienne viciée, mariage foulé aux pieds) tombent les unes après les autres dans un halo d'ironie et de férocité subtilement mêlées. […] Envisagé pour le rôle du curé, Charlton Heston est finalement remplacé par Mills, quinqua paisible dont le mojo discutable atténue la fibre homo du personnage. […] Une autre force du film : un charme kitsch dont la légèreté n’entame en rien sa diabolique intelligence ».

Et le pitch du film, toujours récupéré sur Wikipedia :

Le père Michael Keogh arrive au Mexique dans le village isolé de Quantana pour prendre la relève à la tête d'une congrégation catholique bien mise à mal par un criminel, l'impitoyable Anacleto ; mais il ignore l'emprise que celui-ci exerce sur la région avec sa bande. Anacleto, athée, interdit toute forme de culte et, lorsque le père Keogh veut tenir ses offices, il exerce des représailles en faisant assassiner des paroissiens. Keogh résiste à ses menaces, ce qui provoque un intérêt inhabituel d’Anacleto envers le prêtre. Le bandit engage même un dialogue métaphysique avec celui-ci en voulant lui faire admettre que ce qui est louable c’est « le chanteur » (le prêtre) et non pas « la chanson » (la religion… Locha, l’une des ferventes pratiquantes, s’enfuit au moment où elle allait se marier avec un homme que ses parents lui destinaient, car la jeune femme est amoureuse du prêtre. Anacleto saisit cette occasion pour séquestrer Locha en voulant encore éprouver le père Keogh qui fait bien plus que de l’impressionner : il promet de libérer Locha si le prêtre reconnaît l’échec de sa congrégation…

Commentaires

  1. Oui, excellent ce film qui renvoie Christophe Honoré au Club Dorothée. Avec la craquante Mylène Demongeot, blondeur teen age sur chemise nouée au dessus du nombril, pantalons corsaires et roulant grosse jeep verte, Bogarde en cow boy de cabaret gay (enfin, avant la gaudriole Village People), dans un costume tellement ajusté que l'on arrive à de demander s'il peut seulement respirer et s'il y a pas, du coup, quelqu'un derrière lui qui puisse articuler les répliques à sa place... totalement ahurissant. Et puis ce John Mills dont on voit bien, à l'image, qu'il se demande, à chaque instant, ce qu'il est venu faire dans cette paroisse... Non, non, ce film vaut le détour, absolument, avec son lot de Mexicains, pistoleros tellement patibulaires, mal rasés, suant, crasseux qu'on se dit que si Trump a vu ce film dans sa jeunesse, c'est sûr que son idée de mur à millions de dollars vient de là !
    "the singer not the song" est aussi le titre d'une chanson de Johnny Cash reprise par Nick Cave (et ses Bad Seeds)

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  2. Merci ! Je vais vraiment être obligé de me le procurer, ce film !

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