Jérome Garcin - Horizons bleus



commentaire : on n'avait jamais rien lu de Jérôme Garcin - et pour être franc, on n'était pas spécialement tenté par l'expérience. Mais en découvrant que son dernier livre était une manière de biographie, romancée, de Jean de La Ville de Mirmont, on s'est laissé tenté. Les Dimanches de Jean Dézert est un de nos livres fétiches - il vient d'ailleurs d'être réédité dans la Petite Vermillon (avec une de ces couvertures absurdes dont la collection s'est visiblement fait une spécialité).
La belle, très belle idée de Garcin, c'est son héros, Louis Gémon, dont le destin va buter sur celui de La Ville de Mirmont sur le front de la guerre de 14. Un lien très fort unit aussitôt les deux hommes. Sauf que l'un va mourir et l'autre pas. Gémon ne se remettra pas du traumatisme de la boucherie à laquelle il a survécu ; et il restera hanté, pathologiquement, par la mort de son ami et la culpabilité qui va avec : pourquoi lui et pas moi ? 
Sa vie, ce qu'il en reste, il va la passer à découvrir et reconstituer celle de son ami, ce qu'elle fut et ce qu'elle aurait pu être, et aussi à défendre et promouvoir son oeuvre, tuée dans l'oeuf (un court roman, quelques poèmes et contes). Une quête déraisonnée, névrotique, qui lui fera notamment croiser le chemin de Gabriel Fauré (qui mit en musique des poèmes de La Ville de Mirmont) ou celle de François Mauriac (qui fit ses études de lettres avec notre auteur). Il y perdra aussi la femme de sa vie.
Cela donne un joli livre, d'une élégante tristesse, riche et dense malgré sa brièveté, qu'on referme avec la troublante certitude que ce Louis Gémon n'est pas une invention, mais qu'il a bel et bien existé - sans doute parce que l'auteur y a mis beaucoup de lui-même. On mettra aussi à l'actif de Jérôme Garcin ses impressionnantes pages sur la guerre - ce qui, après le récent 14 de Jean Echenoz, n'était pas évident.


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