Papier Cristal (2)



Pour continuer sur le papier cristal (voir ici l'épisode précédent), il convient de signaler l’initiative originale de Christian Bourgois, qui proposa les premiers livres de sa maison d’édition (créée en 1966) avec une couverture déjà protégée par du papier cristal. Il en parle lui-même dans un entretien  accordé à la Revue des sciences humaines (Faculté des lettres de l’Université de Lille, 1990) :

« Lorsque j’ai créé les éditions Christian Bourgois, dont les premiers tirages étaient de l’ordre de 1 500 ou 2 000 exemplaires, j’avais tenu à choisir ce caractère illisible qui est le lightline gothic, en fait un caractère américain que j’avais vu dans un ouvrage rare. C’est vrai qu’il a été beaucoup utilisé depuis dans la publicité mais à l’époque il ne l’était pas, ou peu, parce que c’est un caractère d’une extrême finesse, qui présente par conséquent le risque d’une certaine illisibilité. J’ai tenu à avoir des couvertures très blanches… C’était un peu un hommage à une autre couverture qui, elle, en réalité, n’était pas blanche mais crème, et qui était la couverture Gallimard, et j’ai tenu, je dirais, dans ma folie naïve de l’époque, à recouvrir mes livres de papier cristal parce que c’étaient des souvenirs de lecteur enfant, jeune homme… C’est pourtant un papier qui vieillit très mal, qui coûte très cher parce qu’on ne peut pas le plier mécaniquement. Il faut procéder à des opérations manuelles coûteuses et, comme je l’ai dit, il vieillit très mal. »   

Aujourd'hui, on trouve encore des exemplaires de l’époque couverts du papier cristal d’origine (tel cet exemplaire de La Mort de Louis-Ferdinand Céline, de Dominique de Roux, déniché il y a quelques années - c'est la quatrième publication des éditions Christian Bourgois). Les livres étaient imprimés sur les presses de l’imprimerie Mourral, à Bezons, en région parisienne, et on imagine que ce devait être un ou plusieurs employés qui étaient chargés de couvrir manuellement les volumes. Un sacré boulot : sachant qu'il faut compter environ une minute pour “cristalliser” un livre (un peu moins avec une bonne pratique), 1 500 exemplaires demanderont 65 heures de travail…
On n'a pas trouvé d’indications sur la date précise à laquelle s’arrêta cette initiative un peu folle, mais ce fut sans doute au moment où Bourgois passa à des couvertures pelliculées, en 1971… après avoir publié plus de cent cinquante livres à couvertures papier mat protégé par du papier cristal.


Commentaires

  1. On peut regretter l'abandon du papier cristal, d'autant que les couvertures posterieures voient aujourdhui la pellicule se décoller et se racornir...

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    1. C'est donc aux acheteurs des livres de se charger du travail…

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  2. Mon exemplaire du "S." de Claude Cariguel semble donc bien recouvert de ce cristal (rien à voir avec la forme cristalline de la méthamphétamine) précieux vendu à l'époque aux éditions Bourgois sous forme de ramettes ou de rouleau (?).
    Cariguel, auteur surprenant, oublié certainement... disparu de s'être mis en tête de trouver le trésor enfoui dans une mythique cité indigène perdue dans les jungles sud américaines... ça change d'Annie Ernaux !
    Ceci dit, même réduit à l'état de torche-cul, les bouquins dudit Cariguel cotent fort dans les échoppes d'occase en 2.0... donc pas totalement oublié du petit commerce le gaillard.

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    1. Mais je ne connaissais pas ce Cariguel !!! Ça m'a l'air plus que formidable. Je me mets en quête… Merci !

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